« Le Trophée Jules Verne a aiguisé mon esprit de compétiteur et mon envie d’y retourner ! »

Quelques jours après le retour du Trimaran Sodebo Ultim 3 dans son port d’attache de Lorient – La Base, à la suite de son abandon lors de sa 2e tentative sur le Trophée Jules Verne, le 6 janvier, Frédéric Denis revient sur une aventure riche en apprentissages. 

LE TROPHÉE JULES VERNE, UNE ÉPREUVE UNIQUE QUI SE CONCRÉTISE EN ÉQUIPE

« Le Trophée Jules Verne est une expérience exceptionnelle, tant d’un point de vue personnel que collectif au sein du Team Sodebo. C’est un projet qui se construit sur plusieurs mois : choix des membres de l’équipage, formations, phases de chantier, entraînements et courses précédant la période de stand-by pour le grand départ.

Ma sélection en tant qu’équipier l’été dernier représente déjà une belle première victoire pour moi ! J’avais certains atouts pour être choisi en tant qu’ingénieur navigant (rires), mais plus sérieusement, j’étais très fier que Thomas Coville me fasse confiance et m’offre l’opportunité de faire un tour du monde à ses côtés, en équipage avec d’autres marins talentueux, et le tout en configuration « record à battre » !

Très vite, nous avons enchaîné les formations, les entraînements et deux courses en équipage : La Finistère Atlantique et les 24h Ultim. Avec leurs formats différents, ces deux épreuves nous ont permis d’affiner notre manière de naviguer ensemble et de fiabiliser le bateau en vue de notre tour du monde.

Ça fait maintenant deux ans et demi que j’ai rejoint le Team Sodebo Voile, je connais donc très bien le bateau et j’ai suivi toutes ses évolutions. Ces phases d’entraînements et de courses ont été bénéfiques pour nous caler et apprendre à naviguer ensemble sur ce bateau. Nous avons tous des profils différents mais complémentaires, ce qui fait sans aucun doute notre force. L’idée était d’optimiser chacune de nos sorties pour bien distribuer nos rôles et nos spécialités à bord, même si in fine, nous sommes tous en quelque sorte « interchangeables ».

Pour ma part, ma spécialité est axée sur la performance du bateau et ses réglages. Avec ma formation d’ingénieur en électronique, je suis de fait en charge de l’électronique à bord, du matelotage, garant des charges admissibles aux différents endroits du bateau, et tout ce qui en découle : composite, réparations, etc. »

DEUX TENTATIVES ET LE PLEIN D’ENSEIGNEMENTS

Novembre 2024, première tentative
Après 3 semaines de stand-by, le 29 novembre 2024, les voyants sont au vert ! Sodebo Ultim 3 franchit la ligne de départ au large de Ouessant et s’élance dans des conditions engagées à la conquête du record du tour du monde en équipage.

« Ce premier départ était chargé d’émotions, c’était différent des départs que j’ai pu vivre sur une Transat Jacques Vabre ou même en Mini 6.50. C’est l’aboutissement de beaucoup de travail.

Le Trophée Jules Verne, c’est un engagement total. C’est le dépassement et l’aventure avec un grand A qu’on va chercher. Un tour du monde, c’est une certaine prise de risque : le Grand Sud, le Pacifique, avec des conditions qui ont la réputation d’être difficiles… Ce n’est pas rien ! »

Après seulement deux jours de navigation, l’équipage de Sodebo Ultim 3 file à plus de 30 nœuds de moyenne au portant, les Açores déjà dans le tableau arrière. Une descente rapide et prometteuse puisque le maxi-trimaran tient le rythme du temps de référence, établi en 2017 par IDEC. Mais suite à une avarie sur le safran central, l’équipage de Thomas Coville est contraint d’interrompre sa tentative.

« C’était un coup dur, on était dans les temps, les projections étaient vraiment bonnes, mais nous étions partis depuis « seulement » 5 jours et, dans une tentative du Trophée Jules Verne, le bateau doit être absolument à 100 % de ses capacités. On ne peut pas envisager un tour du monde dans ces conditions, sans safran central. Nous étions encore dans les temps, la fenêtre restait ouverte et nous avions la pièce de rechange sur une étagère au hangar. Faire demi-tour ne signifiait en aucun cas la fin du projet Jules Verne. »

Décembre 2024, deuxième tentative
Après une dizaine de jours en mer, Sodebo Ultim 3 revient à son port d’attache pour entamer les réparations. Ces quelques jours de repos forcé sont mis à profit pour optimiser davantage la vie à bord et peaufiner les détails, tandis que les fichiers météo sont d’ores et déjà étudiés de près en vue d’un second départ.

Le 20 décembre, le trimaran noir et vert s’élance une nouvelle fois à la recherche de ce record tant convoité. L’équipage atteint l’équateur en un peu moins de cinq jours et tient de belles moyennes malgré un passage dans le Pot-au-Noir assez long. Lors du contournement du Brésil, Thomas Coville et ses hommes sont contraints d’effectuer quelques virements de bord qui leur coûtent en temps, mais rien qui ne puisse les inquiéter véritablement, toujours en avance sur le temps de référence et allongeant même la foulée en direction du cap de Bonne-Espérance. Un premier cap qu’ils franchiront le 1er janvier 2025 après seulement 11 jours et 15 heures de course contre la montre.

Pour Fred, qui n’avait encore jamais exploré plus loin que les eaux brésiliennes, franchir le cap de Bonne-Espérance est un moment fort. C’est le début d’une longue liste de premières fois : premier cap, premiers albatros, première fois dans l’Indien… et premières fêtes de fin d’année en mer.

« Il faut s’imaginer qu’on est lancé dans une course contre la montre depuis plus de 10 jours, l’ambiance était au beau fixe, bien sûr ! On a fait les choses comme il fallait avec une guirlande à bord, nos balluchons de cadeaux, mais on est restés concentrés sur notre objectif ! »

Toujours dans le « match », les marins sont dans une bonne dynamique, les routages jusqu’au cap Horn sont encourageants avec pour indicateur une journée d’avance sur le timing. Seulement, après avoir contourné les îles Kerguelen, dans un Indien assez chahuteur, la sentence tombe : un safran manque.

« On jouait vraiment, on était dans les temps, l’ambiance était bonne et là, ça bascule : perte d’un safran. Dans une remontée de l’Atlantique, on aurait continué la course, mais là, on était à moins de deux tiers du parcours et sans jamais oublier la notion de course contre la montre. Engager le bateau davantage aurait pu être dangereux, surtout dans les mers du Sud. La décision de renoncer, aussi douloureuse soit-elle, a été quasi immédiate, mais surtout raisonnée. »

Après concertation avec l’équipe du Team Sodebo Voile restée à terre, le géant des mers se déroute pour une escale technique à La Réunion, où une partie de ses techniciens attend déjà les marins déçus et éprouvés après 25 jours en mer. Les réparations effectuées, une partie de l’équipage du Trophée Jules Verne reprend la mer en direction de Lorient. Fred, quant à lui, laisse sa place à un autre navigant dans l’optique d’analyser les potentielles améliorations à effectuer lors d’un prochain chantier d’hiver.

Malgré un goût d’inachevé, ces deux tentatives du Trophée Jules Verne n’auront fait qu’aiguiser l’esprit de compétition de Fred, ainsi que son envie d’y retourner.

« En tant que compétiteur, on a un sentiment de trop peu, la frustration est réelle. J’ai vécu des moments incroyables, tout le long de l’Atlantique Sud, on a passé des journées entières sur un bateau qui file à toute allure, ça glisse, les conditions sont au rendez-vous. Un véritable bonheur à barrer. Si l’opportunité se représente, je signe direct ! »

Avec ces deux nouvelles expériences à son arc, l’envie de monter son projet Class 40 et d’être au départ de la prochaine Route du Rhum en 2026 est plus évidente que jamais pour Fred, qui recherche toujours activement des partenaires pour l’accompagner dans cette aventure sportive, humaine et extraordinaire.

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